Des mains qui ne savent écrire
Nous étions témoins de l'accomplissement de chapitres d'une histoire aussi tordue que les vainqueurs qui l'écrivent.Une histoire écrite du sang des innocents sur les pages de leur innocence avec la pointe d'une baïonnette maudite que brandissent des soldats n'ayant jamais connu l'identité de leur ennemi...Nous sommes ceux qui ont annoncé la guerre.
Nous l'avons annoncée autant aux innocents qu'aux coupables, aux bénis, aux damnés, aux justes, aux injustes, aux chastes et aux déflorés... Nous l'avons annoncée, dans un ultime accès de vanité, à nous-mêmes...
Qu'avons-nous fait au nom d'une justice enragée?
Nous avons mordu des mains et léché des pieds... Nous avons jugé et nous avons refusé le jugement... Nous avons attaqué sans rien avoir à défendre... Nous avons violé et nous avons accusé nos propres victimes...
Notre rage nous a consumé sur une terre qui a connu les bonheurs de la satiété, l'embrasement des flammes et la morsure du sel depuis des temps immémoriaux... La rage détruit et ne bâti pas...
Nous ne cessons, sans vergogne aucune, de chanter nos propres louanges...
Nos illusions de victoire se dissipent, au yeux des autres, au fil des minutes, mais nous les ignorons...
Les échos de notre victoire disparaissent laissant passer des voix éraillées de pleurs que nous étouffons avec nos chants...
Nos voix factices n'arrivent presque plus à nous impressionner... Quel malheur avons-nous conjuré?Nous prétendons résister aux fouets de l'"injuste", mais notre douleur, si maladroitement cachée, assassine.
Nos têtes, pleines de nos chants, ne savent plus penser...
Nos mains, trop occupées à nous applaudir, ne savent plus écrire...
Nos cœurs, trop pleins de notre ego, ne savent plus sentir...
Dur est, pour nous, d'avouer notre faiblesse malgré notre nombre et de regarder avec les yeux de la tête plutôt qu'avec ceux du cœur...Jusqu'où allons-nous prétendre ne pas être que des enfants sur la cour des grands?Jusqu'où allons-nous sombrer avant de marquer une pause et de penser à grandir?